Haut et Noble Serment des Arbalétriers Enghien

Détail du vitrail illustrant la découverte de la statuette miraculeuse – Église Saint-Nicolas de Myre d’Enghien.

Traduction de l’inscription :

EN 1399, LE JOUR DE LA DÉCAPITATION DE SAINT JEAN-BAPTISTE, LES ENGHIENNOIS ONT TROUVE UNE STATUE DE LUI QUI FLOTTAIT DANS LE RUISSEAU

Statuette du XIVe siècle représentant Saint Jean-Baptiste, Patron du Haut et Noble Serment des Arbalétriers d’Enghien.

Vingt-neuf août 1399, après une rude journée de labeur dans les champs, sous un soleil de plomb, deux paysans retournent en ville pour goûter à un repas bien mérité. Outils à l’épaule, ils longent le ruisseau dit « de l’Enfer », situé en territoire de Petit-Enghien. Arrivés à proximité du pont appelé « Ertbrugghe », ils aperçoivent deux archers qui les interpellent. Sans hésiter, les agriculteurs rejoignent les deux tireurs qui leur montrent du doigt un objet flottant sur l’eau. En se rapprochant, ils constatent avec stupéfaction qu’il s’agit d’une statuette d’une trentaine de centimètres. Chose très étrange, elle semble voguer à contre-courant !…

Intrigués, ils descendent prudemment la pente de la berge, et, à l’aide d’un râteau, retirent respectueusement la statue de l’eau. Après un rapide examen de leur trouvaille, ils constatent qu’il s’agit d’une statue polychrome d’apparence religieuse. Cette dernière représente un homme aux cheveux longs, vêtu d’une toge et portant un agneau contre son épaule. Ils décident alors de prévenir des prieurs enghiennois de leur trouvaille.

Quelques religieux arrivés sur place examinent la statue, non sans avoir écouté le rapport des archers. Assez rapidement, ils reconnaissent l’effigie de Saint-Jean-Baptiste et ne tardent pas à qualifier d’inexplicable cette trouvaille. Il faut dire que le fait de trouver une statue en marbre pesant près de deux kilos flottant à contre-courant dans un ruisseau n’est pas chose courante. Mais si en plus, cette effigie représente Saint Jean-Baptiste et que la trouvaille coïncide avec la date exacte de l’anniversaire de sa décapitation, c’est carrément miraculeux !…

La nouvelle de ce miracle s’est bien entendu répandue comme une traînée de poudre dans toute la ville, mais aussi dans tout le Hainaut, le Brabant et la Flandre.

Peu de temps après, une petite chapelle fut construite par les archers afin d’y exposer la statue miraculeuse.

De nombreuses personnes souffrant de maladies ou d’infirmités vinrent implorer la statue miraculeuse avec un espoir de guérison.

En 1412, soit 13 ans plus tard, Pierre de Luxembourg, seigneur d’Enghien posa la première pierre de ce qui allait devenir le couvent des Carmes chaussés, dédié à Saint Jean-Baptiste. Cette bâtisse était située non loin du ruisseau de l’Enfer et devait se trouver le long de la chaussée d’Asse à hauteur du point Carmes sur la carte. Ce couvent bâti en dehors de l’enceinte fortifiée de la ville eut beaucoup à souffrir des guerres qui désolèrent le pays.

Lors des troubles religieux du XVIe siècle, sa situation devint très critique. Le couvent fut pillé et dévasté par les gueux en 1566. L’effigie de Saint Jean-Baptiste fut heureusement épargnée par les iconoclastes. Les religieux ne purent qu’à grande peine réparer leur église et leur couvent.

Au mois de juin 1572, un terrible orage accompagné de grêle vint causer de nouveaux dégâts ; il fallut faire de nouvelles et coûteuses réparations à « leur dite maison fort caduque ». La statuette leur vint en aide pour récolter les fonds nécessaires à la reconstruction. Sans quoi, les Carmes seraient tombés en ruine.

Vingt avril 1578, suite à la défaite de l’armée des États près de Gembloux et après une bataille menée par don Juan d’Autriche et Alexandre Farnèse, on craignit que l’armée espagnole n’entreprît le siège d’Enghien ; le bailli de la ville, Henri Gilles, avec le consentement du Comte Lamoral d’Egmont alors présent à Enghien, livra aux flammes ce couvent et les maisons voisines. Ceci afin de ne pas laisser aux ennemis un abri à proximité des murs de la cité. Alertée, la confrérie des archers de Saint-Jean-Baptiste arriva sur les lieux, récupéra la statuette* et la déposa dans la chapelle de Saint-Sébastien située au marché aux poissons, rue de Sambre en centre-ville. Chaque année, d’ordinaire, le 29 août, jour de la décollation de Saint Jean-Baptiste, les arbalétriers tiraient le Papegay (oiseau-perroquet) ; c’était l’occasion d’une fête solennelle. Celui qui abattait l’oiseau était proclamé « Roi de la confrérie ». En reconnaissance de ce titre, chaque confrère lui payait une demi-couronne impériale. Le vainqueur faisait une entrée triomphale en ville et recevait les félicitations du magistrat pour son adresse.

*Certains écrits indiquent que, suite à un différend financier, les arbalétriers ont déplacé la statuette en 1564 et non en 1578.

Lorsque la chapelle de Saint Sébastien fut démolie en 1797, la petite statue fut encore une fois déplacée et mise en exposition dans l’église Saint-Nicolas, où elle se trouve encore aujourd’hui.

Chaque année, un grand pèlerinage appelé : Tour de la Saint-Jean qui, partant de l’église, empruntait les rues d’Hérinnes, de Sambre et du Viaduc, la chaussée d’Asse jusqu’à la chapelle de Saint-Jean, gagnait ensuite la chaussée de Bruxelles et de Bruhehaut jusqu’à l’actuel Clos du Parc, longeait enfin le grand parc et regagnait l’église par la rue de Bruxelles.

À l’heure actuelle, le parcours à été réduit et se limite à certaines rues du centre-ville. De ce culte, il reste bien d’autres souvenirs… Saint Jean fut aussi le patron des célèbres « Confrères de Monsieur « Sainct Jehan » et de la grande guilde du noble « Arbalestre » en la ville d’Enghien, la plus ancienne corporation militaire de la ville.

Pascal Hadidi

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